Revenir à Montréal, un désir qui était
présent en moi depuis plusieurs mois, se concrétisait enfin. J'avais fini par
ne plus y croire. Je m'étais fait à l'idée que Paris était devenu mon point
d'ancrage. Dans l'avion, j'étais assis à côté d'une famille provenant de Metz,
et pendant une bonne partie du trajet, je leur faisais une introduction à
Montréal, les choses à faire et à voir. C'était en quelque sorte une
préparation mentale à ce qui m'attendait quand l'avion allait atterrir.
Plusieurs appréhensions, je dois l'avouer. Quoi dire aux gens après une année
d'absence?
Mes parents sont venus me chercher à
l'aéroport. Il fallait s'y attendre, ce fut des retrouvailles à haute teneur
émotionnelle. Je crois que c'était l'une des rares fois que j'ai vu ma mère
pleurer. Nous sommes allés manger une soupe tonkinoise et ils m’ont déposé à l’appartement
où j’avais passé l’année 2008-2009 avec mon frère (celui sur la rue de
Bordeaux). En rentrant dans l’appartement, j’ai vite compris qu’allait être le
prochain mois : une période de transition où je ne serais pas vraiment à
ma place socialement, professionnellement, psychologiquement et
géographiquement parlant.
Je suis allé rendre visite à Lydia et
Gabrielle, et du même coup, voir quel sera mon nouveau chez moi et qui seront
mes futurs colocataires. Quand je suis arrivé au 4805 av. Papineau, c’était le
début d’un party : Jérémie, l’un des colocataires, fêtait son anniversaire.
J’ai en même temps fait la connaissance des multiples voisins vivant dans le
même immeuble. Même si la date de mon déménagement a été fixée le 17 juin 2010,
je me retrouvais là presqu’à tous les deux jours.
Tranquillement, j’ai revu les gens. Je ne
sentais pas l’envie de faire un gros party ou de passer à travers mon carnet de
téléphone pour annoncer à mes amis que j’étais réellement revenu à Montréal. J’essayais
de comprendre le monde autour de moi.
J’ai réalisé à mon retour, durant les
premières semaines, comment Paris s’est infiltrée dans mon être et mon esprit.
D’abord, j’étais un peu surpris par le fait que les gens dans la rue semblaient
exubérants, joyeux et heureux. Les couleurs vives sur les murs, les immeubles,
les vêtements des gens, cela me troublait un peu. Les serveuses ou les
vendeuses qui te disent « Bonjour, comment ça va? Est-ce que je peux t’aider »
m’ont assez perturbé. Après une année à Paris, je trouvais ce comportement
complètement déplacé, inadéquat et familier.
D’abord, le tutoiement. J’avais pris l’habitude
à vivre dans un univers où le tutoiement était réservé pour des gens de mon âge
avec qui j’entretenais un bon lien. Que ce soient des enfants, des adolescents,
ou des gens dans la vingtaine que je ne connaissais pas bien, c’était le
vouvoiement automatique. Ensuite, le fait qu’elles demandent comment ça va
semblait être une intrusion de la bulle personnelle, surtout (dans le cas des
serveuses) le contact physique, c’est-à-dire la main sur l’épaule. En fait, je
comprenais comment Paris m’a appris à être froid et détaché dans les relations
avec les autres.
Le retour à la Clinique des troubles de l’humeur
(CTH) s’est fait très rapidement, soit deux jours après mon atterrissage.
Revoir ses anciens collègues de travail, avec qui on s’entend bien, c’était apaisant.
En fait, revenir à la CTH m’a fait réaliser comment l’environnement de la
Pitié-Salpêtrière était toxique pour moi. Juste penser à cet endroit et aux
professionnels qui travaillent là me donne la nausée. Je n’ai aucune fleur à
lancer à cette institution française, et je sais que je serai incapable de
poursuivre toute collaboration avec un psychiatre ou psychologue de cet
hôpital. J’ai été d’une honnêteté déconcertante par rapport à mon séjour à la
Pitié-Salpêtrière. J’espère que je serai le dernier Québécois à avoir été
envoyé là-bas. Pour la collaboration Montréal-Paris, je ne vois qu’un échec
certain. D’ailleurs, il y avait une stagiaire française, Sophie, de versant
psychanalytique, qui était à la CTH le mois que je suis revenu. J’ai
consciemment fait en sorte qu’elle comprenne que je ne vais pas l’aider à son
intégration. Bref, pour moi, c’est un retour d’ascenseur très justifié. Surtout
qu’elle avait défoncé la filière contenant pour mes données de recherche pour
faire du « ménage »; elle disait qu’elle ne comprenait pas mon
classement. Encore aujourd’hui, je suis encore en train d’essayer de retrouver
tous les documents (car madame les a éparpillés dans plusieurs bureaux).
Ce fut un retour très graduel à Montréal,
sans tambour ni trompette. Dans ma tête, ce n’était pas encore le retour
définitif. Ce n’était qu’une transition. Je savais pertinemment que tant que j’avais
encore un pied en Europe, je n’allais pas être totalement et complètement à
Montréal. Bref, la conclusion de mon séjour, ce n’était pas à Paris, ni à
Montréal. C’était à Berlin.
Je reviens deux passages intéressants parmi plusieurs:
RépondreSupprimer1. "tranquillement, j'ai revu les gens".
En effet, tout doit être fait tranquillement. Excellent ça, pas de précipitation. Un homme pressé est un homme déjà mort (proverbe arabe).
2. "Revoir ses anciens collègues de travail, avec qui on s’entend bien, c’était apaisant".
Lol, on ne parle pas des collègues de travail avec qui tu ne t'entends pas bien.