Nous sommes rendus à la fin de la première décennie du deuxième millénaire. Évidemment, les médias tous azimuts ne peuvent s’empêcher de faire des palmarès de tout ce qui a marqué les années 2000. Bande à part s’est aussi jointe de la partie. Pour ceux qui ne connaissent pas,
Bande à part est un site web appartenant à la chaîne Radio-Canada faisant la promotion de la scène locale musicale. Pendant des années, c’était également une émission radio qui été diffusée à des heures pas possibles (lire ici minuit). D’ailleurs, Claude Rajotte (de feu « Le cimetière des CDs » sur Musique Plus) faisait ses critiques sur cette émission.
Donc, Bande à part demande actuellement aux internautes de votre pour les dix artistes/groupes francophones québécois les plus marquants des dix dernières années. Ainsi, sélectionner dix sur cinquante artistes, c’est plus difficile qu’on puisse le croire.
J’ai participé aux votes, et voici ce que j’en pense. Évidemment, les goûts sont discutables, et j’ai essayé quand même de réfléchir à la question pour arrêter mes choix surtout sur le côté « marquant » que pour mes goûts personnels. D'ailleurs, je ne crois pas avoir choisi les dix plus marquants, mais plus dix qui ont marqué...
Dans un ordre aléatoire :
Les cowboys fringants

Je l’avoue, j’ai été un fan fini de ce groupe durant la première moitié des années 2000. Même si les derniers albums, je les ai trouvés plutôt médiocres, je ne peux pas cracher sur le début de leur œuvre. Quoi qu’en dise, je crois que le groupe a été un des initiateurs de la « québécitude » des années 2000. Après la défaite référendaire et la stagnation musicale des années 1990, les Cowboys ont permis à plusieurs jeunes cégépiens de l’époque à renouer avec les racines québécoises. Avec ça, le violon et le reel étaient rendus « in ». L’histoire du Québec et l’identité nationale avaient enfin une valeur. Les années à venir le diront, mais je crois que si nous parlons de musique québécoise, il est très difficile de passer à côté des Cowboys fringants.
Mononc Serge

Ex-Coloc, ce personnage n’a pas la langue dans sa poche. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas, il a su déranger plus d’un. Avec des sujets d’actualité, il nous a permis de rire du Canada et, même s’il est un indépendantiste fini, du Québec aussi. De plus, refaire ses chansons à la sauce métal avec Anonymus, c’est juste brillant. Également, en concert, c’est une bête de scène. Mononc Serge est marquant dans la mesure qu’il a su critiquer avec justesse la société nord-américaine des années 2000. Retracer son œuvre, c’est un voyage à travers la décennie.
Karkwa

Le Coldplay ou le Radiohead québécois. Marquant pour les deux derniers albums (« Les tremblements s’immobilisent » et « Le volume du vent »). Musicalement, ça a permis de faire comprendre qu’au Québec, ça ne se résume pas au traditionnel, au discours nationaliste et aux chanteuses à voix sans contenu. Des textes bien ficelés, des mélodies accrocheuses, un jeu incroyable de son et de lumière en concert. C’est une bonne réplique envers tous ceux qui critiquent que rien de bon ne se fait dans le Québec francophone en termes de musique.
Malajube

Je les ai choisis un peu pour la même raison que Karkwa. Il ne faut pas oublier que Malajube a mis le Québec sur la carte sur le plan international, et pas uniquement dans le monde francophone. Pitchfork Media a encensé le groupe. Des tournées à travers l’Europe (autre que la France et la Belgique) où ils ont connu un franc succès. Oui, c’est cacophonique à plusieurs moments, on ne comprend pas un seul mot chanté par Julien Mineau, il semble avoir quarante mélodies en même temps… mais c’est pour ça qu’on les aime. Dès qu’on accroche à Malajube, il est difficile de sortir de sa tête les airs de « Montréal -40 ».
Éric Goulet

Que dire du chanteur des Chiens (feu « Possession Simple »), l’alter ego de Monsieur Mono, le réalisateur de plusieurs albums de Vincent Vallières et autres artistes de la décennie. Pour l’ensemble de son œuvre, on ne peut le renier. Combien d’artistes ont cité Éric Goulet et son album « La nuit dérobée » comme source d’inspiration. Du rock à l’état pur et simple. Les émotions à vif. Être un homme dans toute sa splendeur et sa laideur.
Mara Tremblay

Une artiste qui a su se renouveler sans se vendre. Depuis ses débuts avec l’album « Le chihuahua » jusqu’au tout récent « Tu m’intimides », Mara est restée intègre. Elle a dérangé avec son premier album avec des textes assez particuliers (« Le spaghetti à papa », « Le chihuahua », « Tout nue avec toi »). Elle fait également partie des artistes qui ont réintroduit le violon dans la musique québécoise, en la « dékitchisant ». Aussi, les chanteuses font rarement long feu au Québec (si on oublie notre Céline nationale ou la Dufresne). Plus de dix ans de carrière tout en sachant se renouveler, il faut le faire. Chapeau Mara !
Ghislain Poirier

Un des premiers DJ qui a eu un franc succès sans tomber dans l’électro niais commercial CKOI. Un son qui s’écoute encore très bien 6-7 ans plus tard. Des sons recherchés, sans oublier ses soirées « Bounce le gros ». J’ai l’impression que depuis l’arrivée de Poirier, la scène électro est revenue en force, et les gens sont sortis du stéréotype de la techno répétitive sans intérêt. Sans Ghislain Poirier, est-ce qu’Omnikrom, Gatineau, Numéro# et autres groupes de ce genre auraient pu aussi bien percer?
Vulgaires machins

Groupe punk engagé qui sait faire passer des messages. Combien de cégépiens et d’universitaires francophones ont entonné à un certain moment la chanson « Cocaïnomane »? Malgré les propos plutôt déprimants, la musique donne de l’énergie. Une évolution assez particulière aussi. Avec les albums des débuts « 24:48 » et « Regarde le monde », le punk québécois avait son son particulier. Oui, avec les derniers albums, ça sonne plus pop-punk, mais le côté subversif demeure. Je ne sais pas combien de gens ont eu des « révélations politiques et sociales » avec eux, mais je crois que pour certains Québécois, le groupe a été un élément marquant de leur jeunesse. Il faut aussi dire que Vulgaires machins demeurent l’un des groupes québécois faisant du punk ou du punk-rock ayant survécu après de toutes ces années; on pense ici à Capitaine Révolte, les Marmottes aplaties, etc.
Loco Locass

Avec ce groupe, le rap et le hip-hop sont devenus au Québec un moyen de dénoncer la société et la politique québécoise et nord-américaine. Souverainistes engagés soucieux de la langue française, les Loco Locass ont su allier rythmes contagieux avec textes pertinents et bien ficelés. Et que dire de « Libérez-nous des libéraux », hymne des étudiants du printemps 2005… Juste pour cette chanson, ils méritent d’être dans le top 10 de la décennie de la musique québécoise.
Polémil Bazar

Polémil Bazar n’a pas réellement laissé une trace permanente dans la culture québécoise; d'ailleurs, plusieurs ne savent même pas qu’ils ont existé. Or, ils représentent un courant qui a été très fort et qui a marqué pour un court laps de temps la scène locale québécoise, surtout au milieu de la décennie. Le côté manouche/tzigane, ou world beat, sur des thèmes sociaux d’actualité, ça a explosé pendant cette période. Pensons à la Chango Family, Oztara, etc. Rafraîchissant au départ, mais la sauce était un peu trop française finalement en termes de sonorité (je fais ici référence à des groupes comme les Têtes raides ou les Ogres de Barback). Les textes d’Hugo Fleury ainsi que la musique en soi font en sorte que Polémil Bazar était le meilleur représentant d’un courant qui n’aura finalement pas vu la fin de la décennie.
Il est difficile de faire le tri, car on est facilement tiraillé par nos goûts personnels. Toutefois, je crois avoir fait une sélection assez représentative des artistes/groupes québécois ayant marqué les années 2000. Et qu’en pensez-vous (Annie, Anne, Justine, Olivier et Marie-France, vous êtes obligés de répondre à ce message)?